Vers un développement économique et social


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Introduction par Roger Nasnas
Table des matières

Introduction par Roger Nasnas

Le chemin de l’essor : Développement intégré et solidarité sociale


Cette initiative a vu le jour dans le but de mettre un terme aux tiraillements qui minent la société civile et d’ouvrir la voie à une société de fraternité et de bien-être. Cet ouvrage est le second après « Le Liban de demain, vers une vision économique et sociale, 2007 ».
Neuf ans plus tard, à l’heure où la situation économique est en détresse, où les postes administratifs sont vacants et rongés par la corruption, où la situation financière porte le fardeau d’une dette qui a dépassé, à ce jour, 70 milliards de dollars, où le recouvrement des taxes n’est plus assuré et où le budget national n’est plus voté depuis 2005,
 À l’heure où les conditions sociales régressent à cause de la crise, où le chômage augmente notamment chez les jeunes qui émigrent alors que le nombre des déplacés syriens présents sur notre territoire dépasse le million et demi, sans parler des camps palestiniens qui s’étendent du sud au nord, en passant par Beyrouth et la Békaa,
À l’heure où les troubles, la violence et la peur règnent dans de nombreux pays, où  chacun semble préoccupé par ses problèmes, où l’économie peine à se redresser et où la lutte contre le terrorisme est devenue une priorité amère,
À l’heure où la situation économique s’avère délicate en Europe et dans d’autres régions du monde,
Nous n’avons eu d’autres choix que de nous réunir pour sortir de cette inertie et de ce statu quo et d’écrire ce livre qui est un appel à l’action à deux niveaux :

  • Premièrement : il est nécessaire d’agir ensemble pour freiner ce déclin.
  • Deuxièmement : il est nécessaire d’agir ensemble, non seulement pour tourner la page du passé, mais également pour construire un avenir qui mettrait en lumière le rôle du Liban au 21e siècle.

Ces recherches qui présentent des chiffres, des données, des analyses et des conclusions revêtent une grande importance. Toutefois, leur réelle valeur réside dans la plateforme qu’elles représentent et qui est le point de départ d’un dialogue scientifique et pragmatique qui vise à cristalliser une vision commune pour l’essor.


Avons-nous besoin d’un plan standardisé ou d’une vision de développement commune ?

Dès le début, de nombreuses questions nous sont venues à l’esprit, notamment :

  • Quelle économie sociale pour quel Etat ? En effet, nous sommes aujourd’hui au cœur d’un changement de notions puisque nous parlons de composants plutôt que d’entités, de décentralisation ou de coalition plutôt que d’Etat central,  de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé plutôt que de séparation entre eux pour pouvoir avancer.
  • Le redressement de l’économie libanaise est-il une question interne ou le fruit d’efforts à la fois externes et internes. En d’autres termes, dans quelle mesure pouvons-nous parler d’essor économique interne sans le relier au rôle de la diaspora libanaise, au rôle des investissements libanais à l’étranger et à l’attraction des investissements étrangers au Liban ?
  • Dans quelle mesure pouvons-nous employer, au Liban, les moyens qui ont servi au redressement de l’économie d’autres pays ? Le Liban a-t-il besoin d’un plan standardisé ou d’une vision de développement globale et intégrée qui ouvrirait la voie aux opportunités de travail, soutiendrait « l’initiative » libanaise et reflèterait le rôle du Liban dans la région et le monde ?
  • Ce projet de redressement relève-t-il de l’unique responsabilité de l’Etat ? Ou incombe-t-il à l’Etat de mobiliser tous les moyens et les compétences pour assurer la relance ? Faut-il plutôt rétablir des secteurs ou redresser la nation ?

À la lumière de toutes ces interrogations, ce livre a été rédigé, réunissant tous les efforts déployés dans le but d’entamer un dialogue scientifique et pragmatique qui contribuerait à l’élaboration d’un projet de solutions et de traitement des causes.
Sans aucun doute, les crises que connaît notre pays se sont accumulées à tel point qu’il est évident que :

  • Les réformes partielles ne suffisent plus
  • La restauration sélective ne guérit plus

Au cours des dernières années :

  • Les indicateurs de croissance ont régressé pour devenir nuls à fin 2015.
  • L’intérêt porté par la communauté internationale à l’économie libanaise a nettement faibli.

Il est désormais urgent que nous nous mettions d’accord sur une vision de développement qui commencerait par la consolidation de notre citoyenneté et qui irait au-delà de l’élargissement du rôle de la société civile dans cette démarche.
Le point de départ de cette vision devrait être l’établissement de la confiance : la confiance des citoyens envers leur Etat et la confiance de la société en un meilleur avenir.
La raison nous pousse à affirmer que le chemin de l’essor chez nous passe par le développement intégré et la solidarité sociale.
À cet effet, deux constantes résument le lien entre ce qui est politique (l’accord national), sécuritaire (la stabilité et la confiance envers l’Etat), administratif (la mécanisation et la décentralisation) et économique et social (les possibilités et les attentes) :

  • Premièrement : la préservation du partenariat entre le secteur public, le secteur privé et la communauté internationale pour que le projet de redressement soit un projet national, et, en même temps, le maintien de la coopération entre les acteurs internes et les investissements qui proviennent de l’étranger.
  • Deuxièmement : l’élaboration de la vision de l’essor n’est pas une question purement académique, ne relève pas uniquement de la responsabilité des politiciens et ne dépend pas seulement de considérations économiques et sociales, mais il est indispensable de prévoir les changements qui surviennent autour de nous. (Le rôle du Liban comme point de transit n’a-t-il pas régressé avec la crise syrienne ? Le tourisme et les investissements au Liban n’ont-ils pas connu un déclin en raison des divisions politiques à l’intérieur et de la négligence des institutions quant aux dossiers de l’infrastructure et des services : l’électricité, les télécommunications, les transports, les déchets, etc. ?)

Ainsi il convient de souligner que la sécurité et le développement sont interdépendants. En réalité, il n’existe pas de développement sans sécurité, et le développement permet, à son tour, de consolider la stabilité. Il est également nécessaire de souligner que la question de l’environnement constitue l’un des défis majeurs de ce siècle.

Cette question ne concerne pas uniquement le Liban, mais il s’agit d’un problème régional, voire international. En effet, la diminution de la couche d’ozone, la désertification, la fonte rapide des glaciers, la pollution et le manque d’eau ont conduit à la tenue de conférences arabes et internationales, notamment la réunion historique qui a eu lieu à Paris, le 12 décembre 2015, et au cours de laquelle 195 Etats ont, à l’unanimité, approuvé des décisions historiques prévoyant l’adoption de mesures visant à mettre fin au réchauffement climatique.  Cet accord est plus qu’un simple engagement à protéger la nature et la vie de la pollution ; il s’agit d’une décision de coopération internationale au service de l’Homme qui a été prise malgré les sacrifices que cela représente pour les pays industriels au niveau de la consommation d’énergie, vu que ceux-ci doivent chercher des énergies alternatives qui sont évidemment plus coûteuses.
À cette fin, une politique intégrée en matière d’environnement, de développement et de sécurité s’avère indispensable pour suivre la route du développement durable tout en protégeant notre planète.


L’édification de l’Etat moderne, une condition pour le succès du projet de redressement

Le projet de redressement repose sur 3 piliers :

  • L’entente nationale
  • La stabilité économique qui nécessite une sécurité sociale ; celle-ci ne devrait pas être garantie au détriment de l’essor économique.
  • L’édification d’un Etat moderne et productif en commençant par activer le rôle des institutions, opter pour la décentralisation administrative et élaborer et mettre en œuvre des lois en respectant le principe de « la loi au-dessus de tous et pour tous ».

Le partenariat entre le secteur public, le secteur privé et la société civile renforce le lien entre :

  • La capacité du Liban à faire face à la concurrence (les relations commerciales, le plurilinguisme, le secret bancaire, les programmes scolaires, etc.)
  • Les défis de la technologie et de la mondialisation.

Ce lien nous oriente vers la recherche d’une nouvelle administration à notre économie, et d’une nouvelle démarche quant à la notion de contrat social et nous pousse à continuellement créer des opportunités de travail et à tenter sans relâche de moderniser l’infrastructure et les services de base (l’électricité, l’éducation, la santé, les transports et les télécommunications).


Les principales dimensions de cette étude

Ce partenariat a pour mission de :

  • Promouvoir le développement global en encourageant la concurrence et en soutenant les différents secteurs au moyen de mesures incitatives et de programmes de soutien financier visant à l’habilitation, à la formation et à la promotion des opportunités d’exportation, soit en tentant d’améliorer les conditions de production et d’encourager les petites et moyennes entreprises tout en répondant aux besoins des grandes entreprises.

A cet effet, il faut également mettre en place des réformes financières globales et développer la structure de la main-d’œuvre, le système d’assurance vieillesse et le secteur de l’éducation en prenant en considération les répercussions de la crise syrienne et des déplacés sur notre situation économique et sociale.

  • Développer des relations avec les pays amis et frères pour :
  • Élargir l’éventail des marchés étrangers qui ouvriraient leurs portes aux produits libanais.
  • Attirer les investissements.

Dans ce cadre, il est important de consolider la stabilité politique et d’améliorer l’environnement économique en améliorant les outils techniques et administratifs et en mettant en place des programmes d’investissement attrayants.
Les développements qui ont eu lieu au cours des dernières années montrent que :

  • Aucune économie locale ne peut être indépendante de l’économie mondiale.
  • Aucune économie locale ne peut uniquement compter sur les activités économiques étrangères.

Ainsi il est clair que si nous voulons être plus ouverts et faire preuve de plus de coordination et de coopération avec les pays étrangers afin d’attirer les investissements et de systématiser les moyens d’échanges de biens et de services, notamment au niveau de l’économie du savoir, du tourisme, des médias et de la production artistique, nous devons, au niveau interne, prioriser :

  • La promotion de la démocratie pour que nos décisions reflètent le dynamisme du pays.
  • L’accès aux femmes et la garantie de leurs droits civils qui leur permettront de participer au chantier de redressement. En effet, face à l’ampleur des défis, les femmes doivent participer efficacement et à grande échelle au développement du pays.
  • L’attachement à l’économie libérale et sa promotion en :
  • Introduisant des réformes financières, administratives et économiques.
  • Soutenant le secteur privé et en lui proposant des programmes de redressement économique pour le renforcer et lui permettre de devenir un partenaire clé dans le cadre de ce projet de redressement.
  • Favorisant la coordination et l’intégration au sein des institutions publiques qui soutiennent les secteurs de production (le Bureau des céréales et de la betterave sucrière, l’Institut national de garantie des dépôts, le Plan vert, la société Kafalat, etc.), dans le cadre des programmes gouvernementaux qui soutiennent le secteur de production (le programme des crédits donations, le programme des crédits subventionnés de la Banque du Liban, le programme de subventions aux exportations agricoles, etc.), ou entre les institutions publiques et les programmes gouvernementaux, et ce, afin de pouvoir restructurer ces administrations et ces programmes de façon à améliorer la productivité à moindre coût et ainsi réaliser la vision de l’essor avec dynamisme.

 

Une vision de développement global et une décentralisation administrative soutenue par un contrat social moderne
Pour réaliser ces aspirations, nous devons être conscients des 3 réalités suivantes :

  • L’essor ne concerne plus un seul secteur, mais il est impératif de redresser tous les secteurs.
  • L’essor n’est plus limité à certaines institutions, mais les petites et moyennes entreprises tout comme les grandes entreprises sont le moteur de l’essor et sont capables de raviver le développement et de promouvoir le sentiment d’appartenance à la patrie et pour la patrie.
  • L’essor ne se limite plus à une région particulière, mais repose sur ce que j’appelle le développement régional inclusif parce qu’il favorise le développement à moindre coût, enracine le citoyen dans sa terre et renforce les liens entre les régions et au sein de la nation.

Notons que l’accord de Taëf a prévu la décentralisation administrative et la division du Liban en gouvernorats (mohafazats). Ainsi il est nécessaire de nous pencher sur les considérations économiques et de développement de chaque région tout en prenant en compte les considérations sociales nationales.


N’est-ce pas grâce au développement que le sentiment d’appartenance grandit ?

L’établissement d’un contrat social moderne permet d’inciter à l’essor économique et de garantir la justice sociale. Il est à noter que le secteur privé n’offre pas de régime d’assurance médicale après la retraite ni de régime de retraite, alors que le secteur public propose des assurances médicales avant et après la retraite et offre au travailleur un salaire tout au long de sa vie qui équivaut, au minimum, à 80 % du dernier salaire touché avant son départ à la retraite.
Dans ce cadre, nous réitérons notre appel à l’adoption d’un régime d’assurance vieillesse, ce qui aiderait les nouvelles générations à avoir confiance en leur pays et en leur avenir.
Avant la fin de son mandat, le conseil économique et social a soumis au premier ministre un projet qui est toujours valable et qui devrait être sujet de discussions et d’études à la lumière des nouvelles données dont nous disposons (les comités parlementaires communs ont apporté quelques modifications à ces textes en deux temps, en 2006 et en 2008).
Ainsi les études ont révélé certains points qui doivent être examinés de manière plus approfondie :

  • Où se trouve l’équilibre entre la hausse des prix des biens de consommation et la hausse réelle des salaires ?
  • Les employés profitent-ils d’un équilibre entre, d’une part, le volume et la nature des prestations sociales et, d’autre part, les services en matière de retraite, de santé, d’éducation, d’électricité et de transports ?
  • La croissance du PIB et la hausse des opportunités d’emploi pour les jeunes et la main-d’œuvre sont-elles égales ?
  • Quelles sont les répercussions des mouvements d’émigration et du chômage sur la conjoncture du marché de l’emploi local ?


Le conseil économique et social, un besoin, une nécessité

La réactivation du conseil économique et social s’avère l’un des piliers pratiques de l’essor. En effet, l’importance de ce conseil réside dans ses 3 fonctions complémentaires et intégrées :

  • La fonction de la représentation globale
  • La fonction de spécialisation et d’expertise
  • La fonction de plateforme de dialogue et de consultation et de pont entre le pouvoir, les forces de production et la société civile.

Les avis du conseil sont le fruit de dialogue, de coopération et de coordination entre les différents secteurs économiques et sociaux, dans le cadre d’une recherche scientifique et pragmatique, ce qui favorise les pratiques démocratiques dans l’étude des questions économiques et sociales et des propositions de solutions à ces questions.
Parallèlement, le conseil facilite la communication avec les conseils économiques et sociaux et les institutions similaires dans les pays arabes et le monde entier. Ceci offre à notre Conseil la possibilité de suivre les changements économiques et sociaux qui surviennent dans le monde, et lui permet d’exprimer son avis pour mettre à profit de ces expériences en vue de contribuer à l’essor du pays.

La découverte du pétrole et du gaz et la vision de l’essor global

Pour ce qui est du dossier du pétrole et du gaz, nous pouvons considérer que l’essor économique et social serait un réel succès si la croissance est enregistrée avant la découverte et l’exploitation du pétrole et du gaz et n’en dépend pas. En d’autres termes, cette richesse doit être exploitée pour assurer l’essor global (la hausse du niveau et la qualité de vie, la baisse du chômage, la promotion des réseaux de sécurité sociale) et ne doit pas devenir une alternative aux efforts visant à l’essor. L’importance de nos réserves de pétrole et de gaz réside dans notre manière de les exploiter au service de nos citoyens, de notre société et de notre nation et pour paver la voie à un meilleur lendemain.

Œuvrons pour progresser

Nous ne prétendons pas que ce projet est unique et prêt à être réalisé. Ce que vous avez entre vos mains n’est qu’un papier qui sert de plateforme au dialogue et aux études et qui permet de faciliter l’élaboration d’une vision intégrée de développement qui incarnerait la volonté de tous et qui permettrait au Liban de passer à l’action et de jouer son rôle au Moyen-Orient et dans le monde.
Nous gardons à l’esprit que l’essor économique et social apporte ses fruits lorsqu’il émane d’une révolution culturelle qui engendre l’avancement civil et humain chez les citoyens et la société : le plus court chemin qui mène à la fin des troubles, à l’éradication de la violence et à l’apaisement des craintes n’est autre que le triangle d’or : la sécurité – le développement – l’éducation.
Le Liban qui  résiste à toutes les tempêtes et à tous les défis depuis 40 ans est un pays qui mérite que nous réunissions nos efforts pour entamer, en sa faveur, le projet de l’essor et suivre la voie du développement.


Œuvrons pour progresser.

                                                                                    Roger Nasnas